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08/11/2013

L'Homme précaire et la Littérature

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   L'Homme précaire et la Littérature est le dernier ouvrage auquel Malraux ait travaillé, jusqu'à sa mort le 23 novembre 1976. Véritable somme de son expérience d'écrivain et de lecteur insatiable, il nous fait sentir tout ce que, derrière sa propre "légende", cet esprit particulièrement lucide envisageait comme avenir pour l'humanité. - Cet essai a été repris dans le volume VI des Œuvres complètes de Malraux, éditions Gallimard, "Bibliothèque de la Pléiade", 2010.

   Dans L'Homme précaire et la Littérature, Malraux se demandait - question incongrue aujourd'hui - où était la place de la littérature. Entre l'Université et la N.R.F, le cœur de cet autodidacte ne balançait pas : "La littérature, l'art ne sont pas objets d'enseignement : on n'enseigne que leur histoire. Et les Sorbonnes n'ont pas plus enseigné la création chez les grands écrivains, qu'un siècle de cours de dessin industriel n'enseignait celle de Rembrandt. Désormais, nul ne l'ignore." Hélas, à l'époque même où Malraux écrivait ces lignes, le déclin de la N.R.F. était déjà bien entamé. Allait triompher la pensée de la French Theory dans les universités, surtout américaines, avec des auteurs comme Deleuze, Derrida ou Foucault qui, sous l'influence de Maurice Blanchot, eurent le dessein fondamental de nourrir la philosophie par la littérature, et la littérature par la philosophie. Ce travail théorique, certes passionnant, de haute lignée, eut néanmoins pour conséquence de privilégier à nouveau la sphère proprement universitaire, seule détentrice désormais de ce savoir complexe et abstrait. En tous les cas, pour revenir à Malraux, son jugement, lu à la lumière du présent, ne me paraît pas anodin. J'ai en effet la nostalgie d'un temps où la littérature servait réellement à quelque chose; par exemple, à relier vie quotidienne et pensée métaphysique, sans avoir à passer systématiquement par tous les raisonnements oiseux des sciences humaines, qui bannissent art et intuition. Je ne condamne évidemment pas cette nouvelle philosophie, dont les principaux représentants (et eux seuls, d'ailleurs) ont été des maîtres pour moi. Je me demande seulement si le moment ne serait pas venu de retrouver la chose littéraire, dans sa pureté première, allégée pour ainsi dire de ses apories théoriques. Je sens parfois ce mouvement émerger ici et là, qui n'est pas une régression, mais, replaçant le discours humain et le dialogue au premier plan, une confiance accrue dans les possibilités et les richesses de la vie.

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