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15/01/2014

Le fragment(aire)

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   Toute pensée procède par fragmentation répétée, même celle qui aurait l'apparence d'un tout unifié. Aussi, le fragmentaire déclaré est-il, dans sa franchise inhabituelle, une forme à la fois chancelante et persuasive d'expression, qui dérange parfois les idées reçues. Forme discontinue, il manifeste par contraste le profond désarroi que l'homme ressent devant l'infini du monde. Souvent, on perd le fil de sa pensée, notait Pascal, on ne sait plus ce qu'on voulait dire. Les paroles incohérentes ont d'ailleurs ceci de supérieur qu'elles nécessitent un temps de réflexion, une petite pause pour se rasséréner et continuer le dialogue. Tout fragmentaire est un désœuvrement dans la pensée, agit comme une interruption, une suspension du jugement (l'épochè de Husserl), sans être pour autant déjà une hypothétique sagesse. La maxime, forme brève d'aphorisme, souvent lassante par son côté trop systématique, voudrait conclure. Gageure artificielle. En revanche, la nature du fragment est de rester éternellement ouvert, malgré une incessante circularité sur soi-même. Il demande avant tout une discipline d'esprit difficile — voire impossible — à acquérir, tel est son mystère afin cependant d'accueillir l'inconnu sans le retenir. Désœuvrement optatif, semblable à la vie silencieuse d'une petite île vers le large, sur un bout d'archipel perdu.

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