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07/11/2017

Ionesco, philosophe authentique

   J'ai toujours bien aimé Ionesco. Il est, comme on sait, à côté de Beckett, le grand représentant du théâtre de l'absurde. Leurs styles sont très différents, cependant, mais on peut admirer l'un et l'autre sans problème. Après avoir arrêté d'écrire des pièces, Ionesco n'en a pas moins continué à publier des textes de réflexion, où il se mettait au centre du monde, comme une toute petite particule pensante. Il laissait alors s'exprimer son angoisse existentielle et métaphysique pour, ce faisant, devenir un véritable philosophe. Ce qui perçait dans son œuvre dramatique est devenu dans les essais de la fin de sa vie une interrogation concrète et désespérée sur l'existence humaine et le silence de Dieu. Un volume comme La Quête intermittente (1987) est un bon exemple de cette tentative impossible d'accéder à une vérité métaphysique. Le moindre texte de Ionesco, à cette époque, je m'en souviens bien, était porteur de cette dimension presque tragique, accompagnée dans sa propre vie par une dépression qu'il portait sur ses épaules et qui accentuait un désespoir incorruptible. Les éditions Gallimard viennent d'avoir la bonne idée de republier un petit livre de Ionesco, qui date de ces années et qui a pour titre Le Blanc et le Noir. Paru à l'origine en 1981, il comportait quinze lithographies gravées sur la pierre par Ionesco. Ionesco y explique comment et pourquoi il s'est mis à la peinture, escomptant trouver dans cette activité la paix de l'âme et la sérénité. Il revient sur les dessins qu'il présente, tout en émaillant son propos de considérations diverses, comme à son habitude, qui naissent de la pratique picturale. Il nous reparle du silence de Dieu, surtout, de la peur de la mort, de son manque de foi, mais aussi de cette femme qui lui avait demandé son aide et qu'il avait perdue de vue : "La souffrance d'un seul être est la souffrance de tous les êtres, écrit Ionesco au sujet de cette femme. A-t-elle pu surmonter sa douleur ? a-t-elle pu trouver une raison de vivre ? Où est-elle ?" La vie continue, cependant, avec son lot de difficultés, d'obstacles. Ionesco aimerait trouver un espoir, qu'il discerne à travers la peinture et les mots qui naissent d'elle. Voici la dernière phrase de ce petit opuscule, où beaucoup de choses sont dites et restent gravées dans l'âme du lecteur : "Été tardif, le ciel est clair, transparent, Dieu peut-être me regarde." 

Eugène Ionesco, Le Blanc et le Noir. Éd. Gallimard, collection "L'Imaginaire", 6 €.

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