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12/07/2014

La sagesse ne viendra jamais

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   Quand j'entreprends la lecture d'un livre, c'est dans l'idée qu'il va répondre à toutes les questions que je me pose, qu'il va m'apprendre la Vérité, avec un grand V. Or, à chaque fois je suis déçu. Mon aspiration n'est évidemment jamais réalisée, et il me faut recommencer l'opération à nouveau. Je suis d'ailleurs très conscient désormais, mon expérience de lecteur étant relativement longue, que le savoir absolu — et même relatif — ne me traversera jamais. Je ne peux disposer seulement que de quelques indications, certes utiles, mais au fond très insuffisantes. Ceux qui ont écrit tous ces livres, y compris les plus grands, ne connaissaient d'ailleurs pas plus que moi la Vérité, et quelquefois ils l'ont admis très naturellement : c'est sans doute cela aussi, la leçon. Guy Debord, moderne Ecclésiaste, avait par exemple conclu son scénario intitulé In girum sur cette constatation lapidaire : "La sagesse ne viendra jamais", tout de suite suivie par la suggestion : "A reprendre depuis le début". Telle est, je crois, la vanité de notre recherche à travers les livres : une quête inlassable, souvent trompeuse et décevante. J'ajoute bien sûr que le plaisir de la pensée, en ce qui me concerne, demeure néanmoins très vif, mais sans jamais apporter d'élément supplémentaire au lecteur quasi "professionnel" que je suis devenu, qui a passé toutes ces années allongé sur un lit, ou affalé dans un fauteuil, un volume entre les mains, — et pour quel résultat ? Je ne regrette pas vraiment tout ce temps consumé pour rien, mais, parfois, l'objet de la lecture me semble obscur.

Illustration : dernière image du film In girum imus nocte et consumimur igni (1978) de Guy Debord. Scénario repris dans Guy Debord, Œuvres cinématographiques complètes, 1952-1978. Ed. Gallimard, 1994.