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31/07/2015

Cinéma

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   En général, je m'ennuie très vite lorsque je regarde un film, surtout si une histoire très carrée nous est contée, avec l'inévitable suspens. À mon sens, le cinéma est en son essence un art de la contemplation pure. Chaque image devrait presque se suffire à elle-même. Ainsi, c'est quand je revois un film, même médiocre, que j'éprouve un intérêt accru. Je ne suis plus gêné par l'attente des scènes qui vont se succéder. Je contemple autre chose. Le temps s'arrête, en quelque sorte, il n'y a plus cette angoisse, cette course contre la montre que représente le déroulé de la fiction. Mes cinéastes préférés (Godard, Antonioni, Tarkovski...) sont ceux qui arrivent à nous plonger immédiatement au cœur intemporel de l'image. Ils ne suivent pas désespérément une histoire qu'ils racontent sans la rattraper jamais : au contraire, celle-ci affleure d'elle-même à chaque moment, dans une inventivité immédiate qui surgit, si l'on veut, aussi magiquement que la couleur des voyelles dans le poème de Rimbaud. Le regard alors semble s'ouvrir sur l'éphémère et coïncider pour un instant — un instant seulement, avec le Tout.

Illustration : image de Histoire(s) du cinéma de Jean-Luc Godard

12/07/2014

La sagesse ne viendra jamais

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   Quand j'entreprends la lecture d'un livre, c'est dans l'idée qu'il va répondre à toutes les questions que je me pose, qu'il va m'apprendre la Vérité, avec un grand V. Or, à chaque fois je suis déçu. Mon aspiration n'est évidemment jamais réalisée, et il me faut recommencer l'opération à nouveau. Je suis d'ailleurs très conscient désormais, mon expérience de lecteur étant relativement longue, que le savoir absolu — et même relatif — ne me traversera jamais. Je ne peux disposer seulement que de quelques indications, certes utiles, mais au fond très insuffisantes. Ceux qui ont écrit tous ces livres, y compris les plus grands, ne connaissaient d'ailleurs pas plus que moi la Vérité, et quelquefois ils l'ont admis très naturellement : c'est sans doute cela aussi, la leçon. Guy Debord, moderne Ecclésiaste, avait par exemple conclu son scénario intitulé In girum sur cette constatation lapidaire : "La sagesse ne viendra jamais", tout de suite suivie par la suggestion : "A reprendre depuis le début". Telle est, je crois, la vanité de notre recherche à travers les livres : une quête inlassable, souvent trompeuse et décevante. J'ajoute bien sûr que le plaisir de la pensée, en ce qui me concerne, demeure néanmoins très vif, mais sans jamais apporter d'élément supplémentaire au lecteur quasi "professionnel" que je suis devenu, qui a passé toutes ces années allongé sur un lit, ou affalé dans un fauteuil, un volume entre les mains, — et pour quel résultat ? Je ne regrette pas vraiment tout ce temps consumé pour rien, mais, parfois, l'objet de la lecture me semble obscur.

Illustration : dernière image du film In girum imus nocte et consumimur igni (1978) de Guy Debord. Scénario repris dans Guy Debord, Œuvres cinématographiques complètes, 1952-1978. Ed. Gallimard, 1994.

03/05/2014

Quelle heure est-il ?

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   L'être humain ne connaît jamais l'heure juste. Il doit se contenter d'un temps approximatif. Regardez sur Internet, plusieurs sites proposent de vous donner l'heure exacte : mais selon chacun, ou presque, l'heure sera différente pour les secondes. Internet, là non plus, n'est pas dispensateur de vérité, ni de précision absolue ! Je confiais ce problème de l'heure exacte l'autre jour à mon horloger. Il me répondit que la meilleure heure était celle que donnait par ondes radio l'horloge atomique de Francfort, qui ne varie que d'une seconde pour un million d'années. C'est déjà bien, penserait-on. Mais ne pas pouvoir aller au-delà des secondes est frustrant, sans doute. Un ingénieur en armement me racontait jadis qu'il existait des "bourses du temps", où des professionnels offraient une heure encore plus précise à d'autres professionnels (les sous-marins, par exemple, se repèrent dans les profondeurs grâce aux fractions de secondes). Quant à nous, humbles pékins, nous aurons beau acheter les montres les plus coûteuses et les plus belles, nous aurons tout juste un bijou de plus à porter, mais en aucun cas un instrument qui nous indiquerait la vérité du temps, de notre temps. Chaque fois que nous regardons notre poignet, pensons donc à cette infirmité fondamentale de l'homme, privé des lumières les plus quotidiennes ! Andy Warhol, comme souvent, l'avait parfaitement compris, lui qui, possesseur de la plus élégante des montres, disait à son propos : "Je ne porte pas une Tank pour avoir l'heure. En fait, je ne la remonte jamais. Je porte une Tank parce que c'est la montre qu'il faut porter."