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07/04/2014

Pensées éparses

Leiris par masson.jpg

• Kundera, dans Les Testaments trahis, se place historiquement à l'origine de la modernité ("je fais partie de quelque chose qui n'est déjà plus", écrit-il). Voilà un joli tour de passe-passe. Il se trouve bien parmi Kafka, Broch et les autres, mais sans considérer ce qui est venu après eux. D'ailleurs, Kundera se reconnaît comme un néoclassique, en somme. D'où son éloge de Stravinsky, très révélateur. C'est comme si Kundera avait en fait à nous tenir des propos, non pas d'aujourd'hui mais d'hier.

Le besoin de répit : celui-ci peut être si constant et si obsédant, dans le monde où nous vivons, qu'il en devient tout naturellement oisiveté, puis désœuvrement. C'est alors que la pensée la plus fine, la plus dérangeante commence, sans jamais cesser.

• Je me compte parmi les déçus de la métaphysique.

• "Le suicide qui me convient le mieux est manifestement la vie." (Imre Kertész, Journal de Galère)

La pensée d'être un grand malade, si exagérée soit-elle, soulage.

• "Le temps passe trop vite" signifie : je vais devoir faire un effort à nouveau, par exemple pour me lever. L'immobilité est intermittente. Le repos aussi, par conséquent.

• Il est beaucoup plus facile de mener une vie morale lorsqu'on est riche.

• Aujourd'hui, l'abstention acquiert un sens. Elle n'est plus seulement le fruit de la négligence. Elle devient logique, manifestation personnelle de volonté. Elle règne de manière inassouvie.

• "Homme social désorienté", expression lue sur Internet. Belle et juste formule, et vraie partout, dans l'anonymat des villes comme dans le désert des campagnes — dans cette errance interminable où même le suicide est impossible.

• Ne nous laissons pas berner par la nostalgie, au détriment de notre logique.

• J'ai toujours du silence à rattraper.

06/03/2014

Mon double

double.jpg   J'allais rarement dans ce bar excentré, où l'on pouvait boire à la pression de la Paulaner, bière que j'appréciais. Or, lorsque j'y entrai cette fois-là, le serveur m'annonça qu'il ne voulait plus me servir. Je lui demandai pourquoi. Il m'expliqua qu'il n'aimait pas les consommateurs ivres, qui faisaient du scandale. Je lui rétorquai que je ne m'étais jamais comporté de la sorte dans son établissement. Visiblement, il me prenait pour un autre. Après quelques échanges où je protestai sans trop y croire de ma bonne foi, et après qu'il m'eut bien dévisagé, il admit qu'il se trompait peut-être, et pour s'excuser m'offrit un verre. Je réfléchis cependant que j'avais probablement un sosie, quelqu'un qui me ressemblait, du moins au physique. Mon apparence n'a rien que de très banale, et sans doute, à première vue, dans l'anonymat des villes, je peux passer pour un autre. Ce double (mais, au fait, n'en ai-je qu'un ?) ne m'a jamais importuné davantage par sa mauvaise conduite. Il a dû continuer sa vie, loin de la mienne, sans plus rencontrer ne serait-ce qu'indirectement ma trajectoire, et sans, à vrai dire, que j'aie le moindre désir de tomber un jour sur lui.